FIF 85
 La Roche-sur-Yon


Serge Daney
20 ans après
la critique sur internet







Dimanche
21 octobre
2012
11h00

au théâtre
de La Roche-sur-Yon

Serge Daney ne cessa de renouveler les manières et les visées de l'écriture critique. Au sein des Cahiers du cinéma, de Libération puis de Trafic. À travers l'analyse, la chronique mais aussi le journal intime ou la forme dialoguée. En alternant le " je " et le " nous ", en passant du cinéma à la télévision et même en allant au-delà, jusqu'au sport et à l'actualité en général. Vingt ans après sa mort, de quelle manière la critique de cinéma a-t-elle évolué ? Vers quels nouveaux lieux ? Quels nouveaux moyens d'expression ? Pour la première fois, le Festival  International du Film de la Roche-sur-Yon, en collaboration avec l’ACOR, invite des représentants de sites critiques et de blogs à discuter de ce à quoi elle ressemble aujourd'hui, et de ce qu'elle pourrait être demain. La conférence sera animée par Christophe Kantcheff, rédacteur en chef de Politis, et animateur avec Bertrand Leclair du séminaire La Critique impossible ?







Christophe Beney
co-fondateur d'Accréds
 
L'actualité des festivals  de cinéma

Internet a finalement été inventé trop tard. Cinquante ou soixante ans trop tard. Pendant des décennies, des festivals ont été créés et ont grandi sans ce relais pourtant idéal. C’est maintenant que le réseau est là qu’il faut se rendre compte, plus que de sa réactivité – une friandise au regard du reste –, de la multitude des approches qu’il autorise. Le rubricage n’a plus de valeur. On ne segmente plus en espaces distincts, mais en temps. C’est le parti-pris de la homepage d’Accréds : en haut le rémanent, puis en-dessous, le persistant, le ponctuel, et enfin l’éphémère avec twitter. Ces temps sont ceux des festivals, des rétrospectives, des films naissants et qui s’épanouiront plus tard en salle, de l’anecdote, de la réflexion. C’est aussi le temps d’une nouvelle liberté pour le cinéphile désormais explorateur, voué à traverser des strates plutôt qu’à tourner des pages. Des maîtres qui ne nous ont rien demandé les ont traversées à leur manière. André Bazin les a creusées obstinément à la recherche d’une momie qui expliquerait tout. Serge Daney les a franchies en passe-murailles, alternant terrain de sport et salon où trône le téléviseur, quotidien et trimestriel. Internet rend translucides toutes ces strates qui auraient toujours dû l’être. Sur le Web, la cinéphilie n’avance pas, elle retourne à des sources qu’il nous appartient – auteurs, lecteurs, mais la barrière entre les deux n’est-elle pas en train de tomber ? – encore de chercher. Et plus que jamais, nos plus illustres prédécesseurs, Daney en tête, doivent nous servir d’éclaireurs.
Christophe Beney


 





Sidy Sakho
bloggeur, fondateur de Ceci dit (au bas mot)


Ceci dit (au bas mot)
Ecrits sur du plan… L'un dans l'autre mais pas seulement

Si j’écris essentiellement pour le net, mon rapport à la critique de cinéma reste secrètement lié aux revues papier. C’est en découvrant les Cahiers du cinéma que j’ai compris que l’émotion suscitée par un film pouvait donner matière à une vraie création littéraire. L’écriture sur un film, quel que soit le support, est l’engagement dans un processus d’interrogation de son propre imaginaire, une négociation de nos propres visions avec celle du cinéaste, accessible à tous. S’y confondent la restitution par le mot de l’atmosphère spécifique du film et les bifurcations de notre regard. C’est ce qui me motive à écrire et à m’intéresser encore à ce qui s’écrit un peu partout sur le cinéma.
Serge Daney ? C’est par lui que m’a semblé se dessiner, à la lecture de ses textes, la promesse d’une conversation avec le monde (celui des images, le nôtre) à la lumière d’une trajectoire intime. « Le travelling de Kapo », texte terminal mais très vivant, par la corrélation qu’il propose entre la place d’un seul homme dans le monde et les images de ce monde, était comme une bouteille à la mer pour les générations à venir. Vingt ans après, un retour sur ce dernier message ne me semble pas incongru.
Sidy Sakho
 






Raphaël Nieuwjaer
co-fondateur de la revue Débordements
Lorsque nous avons commencé Débordements, l’un des commentaires a été : « C’est un peu élitiste. Connaissent-ils Daney ? » Avant même de constituer une référence précise pour notre projet, Daney était un horizon pour nos rares lecteurs – et, peut-être aussi, le genre de sésame qui n’a plus besoin d’être questionné, ou lu. D’autres dans la rédaction le fréquentent plus assidûment que moi. Pourtant, c’est à lui aussi que j’ai songé pour nos premiers éditos – à la création de Trafic, en particulier. Il nous est en effet apparu qu’une revue en ligne n’a de sens qu’à prendre son temps - c’est-à-dire répondre à une urgence. Non celle de l’actualité, mais du désir suscité par un film, une série,... Et tant pis / tant mieux si nous ratons des choses, ou sommes « en retard »... Il nous arrive d’être – momentanément – satisfait d’un texte. Mais cela ne serait rien si nous n’avions discuté, douté, retravaillé,... Daney, oui, mais aussi tous les autres, aux Cahiers, à Libé, à Trafic, avec lesquels s’est construite sa pensée. Revue en ligne, et non blog : pour cette drôle d’articulation du je / nous toujours à construire. Avec le cinéma comme horizon, mystère, présence, question...
Raphaël Nieuwjaer







Simon Lefebvre
co-rédacteur en chef de la revue Zinzolin

Revue
Zinzolin

Zinzolin, imaginé de pages et d’encre, s’est vu finalement naître dans la grande toile Internet et ses pixels. échoué dans ses filets ? Peut-être pas. On peut entendre parfois, qu’Internet est un espace en lui-même, global, où la critique de cinéma s’échoue et échoue. L’un des premiers arguments que nous opposons à cette idée est qu’Internet est davantage un territoire qu’un pur espace. On y fonde des sites, on en visite d’autres. On navigue enfin. Zinzolin s’est donc bâti dans ce tumulte tranquille. Il s’agissait de se réserver un espace pour soi, pour prendre le temps d’écrire entre mille torrents d’images. Un espace pour se garder de la mémoire avant que les flux tendus d’images ne la recouvrent. En son sein, des rédacteurs qui écrivent depuis un moment, d’autres pas ; des rédacteurs qui étudient le cinéma, d’autres pas ; des rédacteurs qui ont lu Serge Daney, d’autres pas. Zinzolin est un nouvel espace et en porte les charmes et contradictions : mi-sauvage, mi-organisé. Daney n’y est certainement pas considéré comme une idole mais comme un explorateur dont les lignes continuent de tracer à travers le territoire, croisant parfois les nôtres au hasard ou au désir d’une telle rencontre.
Arnaud Hallet et Simon Lefebvre